
Le samedi 8 août en baie de Sainte Marie
Comme l’accident de voiture, on pense que cela n’arrive qu’aux autres, pourtant n’importe lequel d’entre nous peut un jour se faire aspirer involontairement par un nuage. Je ne parle pas du petit cumulus bien blanc que vous pourrez facilement éviter avec oreilles et accélérateur. Je parle du gros nuage noir et bourgeonnant qui vous sucera inexorablement, même avec les oreilles et l’accélérateur à fond.
Samedi dernier, deux pilotes expérimentés ont vécu l’enfer juste au dessus de la plaine du Mt Mou.
Ils ont battu involontairement le record d’altitude de Nouvelle Calédonie en parapente avec un plafond à plus de 3200m.
Au lieu de polémiquer sur les conditions de vol de ce jour, quels retours d’expérience pouvons nous tirer de leur mésaventure? Que faire et comment nous préparer à subir une telle expérience si cela devait un jour nous arriver?
Ne vous croyez pas à l’abri, beaucoup d’entre nous y ont déjà échappé de justesse, même les plus prudents.
Voilà ce qui va se passer:
Au début, vous vous sentirez aspirés par le nuage au dessus de vous et vous chercherez normalement à le fuir avec oreilles et accélérateur pour vous éloigner au plus vite de la zone d’aspiration.
Puis une fois dans le nuage, l’aspiration se fait encore plus forte, le vario se met a hurler et la voile devient vite incontrôlable. Vous venez de rentrer dans le tambour d’une machine à laver !
Impossible d’accélérer, impossible de garder un cap, car la voile se fait claquer en permanence et tourne seule sur elle même. les instruments de votre cockpit se font arracher.
Au début vous aurez de la pluie, qui vous inondera votre voile, vos gants et votre sellette.
Plus haut vous commencerez à voir de la neige en flocon qui se collera sur vos lunettes.
Plus haut encore, c’est le givre qui commencera à s’installer sur vos suspentes.
Impossible de faire les oreilles, vos doigts sous les gants humides sont gelés.
Vous pilotez désormais avec les avants bras dans les commandes de freins, les mains sont hors de service.
Vous sortez enfin du nuage à plus de 3000 m et vous n’avez qu’une envie, descendre au plus vite pour vous réchauffer. c’est pourquoi vous ne profiterez pas de votre altitude pour retourner vous poser sur un terrain connu, car vous êtes perdu au dessus de la chaîne, sans aucun repère habituel.
Vous voyez la mer des 2 côtés sans plus savoir ou se trouve la côte est de la côte ouest.
Il devient difficile de raisonner, vous ne voulez plus qu’une seule chose, vous poser au plus vite de peur de vous faire happer par un autre nuage qui vous infligera encore la même punition.
Vous êtes au dessus de la couche nuageuse et vous vous précipitez dans le premier trou libre qui se présente a vous.
Vous descendez tant bien que mal vers la première vallée venue pour vous poser inconfortablement sur les galets du lit d’une rivière inconnue.
Une fois posé, vous êtes très heureux d’être toujours vivant mais vous avez toujours très froid aux mains.
Vous ne savez pas où vous êtes, votre radio est trempée et hors service, votre téléphone fonctionnera encore si il est étanche et que si vous trouvez du réseau. Vous pourrez éventuellement faire du feu si vous avez eu la bonne idée d’emporter un briquet.
Vous ne savez pas combien de temps vous aurez à marcher pour descendre cette rivière que vous serez obligé de traverser sans arrêt d’une rive à l’autre…. jusqu’à ce qu’un hélicoptère de la gendarmerie arrive à éventuellement vous retrouver, si les copains parapentistes ont pu signaler votre disparition avant la nuit.
La première angoisse, c’est de vouloir prévenir ses proches que tout va bien…..si tout va encore bien !
Quelles leçons en tirer ?:
– ne pas paniquer, ne pas sur-piloter car vous ne maîtrisez plus rien.
– avoir des gants étanches à l’eau
– avoir un téléphone étanche, une radio étanche.
– sécuriser les instruments de votre cockpit.
– emporter un briquet pour faire du feu.
– faire du feu avec beaucoup de fumée pour vous réchauffer et vous faire repérer par l’hélicoptère de recherche.
– trouver du réseau pour appeler du secours et signaler votre position à l’aide des coordonnées de votre GPS ou de votre smartphone.
– activer votre balise spot de secours si vous avez pris la précaution d’en avoir une.
– avoir vos lunettes de vue pour être capable de lire les coordonnées sur votre GPS.
– ne jamais abandonner votre voile car elle servira à vous signaler si vous l’étalez et servira de couverture si vous devez passer la nuit à la belle étoile.
– avoir au minimum un couteau, ou encore mieux une scie pliable, ou encore mieux un sabre d’abattis.
– enlevez vos chaussures et gardez les au sec avant de traverser un rivière.
– découpez vous un bâton pour vous aider à marcher et vous stabiliser dans la rivière pieds nus.
– avoir un poncho en plastique étanche pour protéger votre voile et vous même en cas de pluie.
– marchez extrêmement prudemment afin de ne pas vous tordre bêtement une cheville.
– les gendarmes conseillent d’avoir un stylo laser pour vous signaler de nuit (c’est très efficace car le rayon est visible jusqu’en altitude)
– suivre une rivière ou un cour d’eau plutôt qu’une piste de crête: on peut survivre longtemps sans manger mais pas sans boire. De plus, c’est bien connu, toutes les rivières vont à la mer.
– gardez le moral, on pense à vous et on vous recherche.